La levure, l’ingrédient « oublié »
Jeudi 7 février 2013, par La levure
//Le brasseur amateur débutant, en recherche d’informations sur son breuvage favori est souvent confronté aux problèmes d‘approvisionnement des différents ingrédients, à savoir : L’eau, le malt, le houblon et la levure.
Pour les trois premiers, les choix peuvent être assez variés et les solutions sont multiples :
- Eau du réseau ( qui peut être traitée ou non), eau de source etc…
- Malts distribués sur des plates formes destinées aux microbrasseurs
- Houblons de différentes provenances, assez bien distribués sur divers sites de vente en ligne ou autre.
Reste la levure !
Le problème n’est pas tant dans la difficulté de s’en procurer (vente ligne par ex.), mais des choix qui se présentent à un brasseur amateur (ou bien un micro-brasseur).
En brasserie, la gestion de levure est un travail spécifique qui demande un gros savoir-faire, du temps, et impose une rigueur sans failles pour arriver à de bons résultats et se prémunir d’éventuelles catastrophes. Dans le milieu du brassage industriel cette activité est confiée à des laboratoires, qui se chargent du suivi et de la propagation des souches isolées et sélectionnées pour leurs besoins.
En brassage amateur, sauf quelques rares exceptions, cet aspect est volontairement délaissé ( demandant trop de ressources et connaissances) et l’on se tourne vers des fournisseurs de levures « prêtes à l’emploi ». Néanmoins, ce côté confortable peut avoir quelques inconvénients.
La levure de brasserie peut se trouver, à notre niveau , sous deux formes :
1 - Deshydratée :
Ce sont les levures « sèches », que nous trouvons chez différents fournisseurs et qui sont produites par des entreprises spécialisées dans la production de levures de brasserie, œnologie, panification etc…
Exemple de marques :
Fermentis (groupe Lesaffre ), Danstar ( groupe Lallemand), Mauribrew, etc…
L’énorme avantage réside dans l’utilisation et la conservation. Ces souches déshydratées sont conditionnées en sachets et peuvent être mises en œuvre après une brève réhydratation qui ne dure que quelques minutes. Le brasseur s’affranchit de ce fait de tout ce qui touche à la question de gestion des souches de levure. Il suffit de choisir dans les catalogues des fournisseurs cités plus haut, et d’ensemencer son brassin avec telle ou telle souche.
Les risques d’infection avant réhydratation sont réduits à néant, ce qui est très appréciable à notre niveau de compétences.
2 – Les levures liquides :
Essentiellement proposées par deux fournisseurs américains (Wyeast et White Labs), ces produits sont des souches aux profils très spécialisés, directement en rapport avec les styles de bières qui peuvent être visés par le brasseur.
Disponibles sous deux formes (sachets avec activateur ou bien flacons, selon le fournisseur), ils ont pour attrait principal d’offrir un éventail impressionnant de souches, toutes très typées, et qui peuvent réellement imprimer un caractère « authentique » à une bière, pour peu que l’on s’attache au fait de respecter un certain style de bière.
D’utilisation beaucoup moins confortable que les levures sèches, ces souches demandent un travail de propagation avant ensemencement qui n’est pas sans risque… Le prix aussi joue en leur défaveur, et les fermentations sont souvent plus laborieuses, mais les résultats sont sans commune mesure avec les produits déshydratés.
Il existe une troisième voie, c’est l’utilisation de levure fraîche de brasserie.
Peu ou pas exploitée au niveau amateur et micro-brasseur, cette solution demande avant tout de trouver un brasseur installé qui est prêt à vous céder de la levure active issue de sa propre culture.
Autant dire que c’est pas gagné d’avance, et les inconvénients ne manquent pas :
- La levure doit être utilisée dans des délais très brefs. La date de brassage doit être calée sur la date de réception de la levure
- Le transport et le conditionnement au départ de la brasserie doivent être faits dans des conditions irréprochables. La distance entre la brasserie productrice (et/ou l’intermédiaire) et le lieu de brassage peuvent être une contrainte (transport au froid indispensable, etc…).
- Le prix. Il est au bon vouloir du brasseur cédant (et de son intermédiaire si il y a), et par faute de concurrence peut devenir très vite « fantaisiste ». !
Les avantages sont toutefois non négligeables pour cette option. En effet, ce peut être un moyen de disposer d’une grande quantité de cellules actives immédiatement, et issues d’une souche originale qui se démarque des produits de catalogue.
Pour résumer :
Dans le milieu du brassage amateur ainsi que celui de la micro-brasserie, on constate très souvent que la contrainte du travail sur la levure est souvent mise de côté, et que l’on opte pour l’utilisation de levures sèches.
C’est un aspect compréhensible, et pour l’amateur, le brassage proprement dit est peut-être bien plus spectaculaire et ludique. Pour ce qui est de l’artisan micro-brasseur, il est fort probable que la sécurité et le confort liés à l’utilisation de ces souches soient un facteur déterminant pour leur activité.
Il n’en demeure pas moins que tout ceci peut avoir un effet pervers.
Les brasseurs artisans et amateurs ont en général pour objectif de produire des bières qui sortent des chemins battus, et cherchent à se démarquer des production industrielles.
Or, il se trouve que dans la grande majorité des productions de nos micros, on retrouve le caractère bien imprimé des ces quelques souches de levures sèches que nous connaissons bien. Pour la diversité, c’est raté !
On joue souvent avec le houblon pour essayer de se démarquer, en y mettant de plus en plus et en utilisant des variétés plus ou moins « exotiques » (voire les deux, pour les plus téméraires…). C’est une solution bien plus facile à mettre en œuvre, mais qui a pour effet que beaucoup s’engouffrent dans cette voie, et qui revient à dire que tout le monde fait la même chose, avec plus ou moins de bonheur.
La levure est bien le parent pauvre des ingrédients de la bière dans ce paysage du brassage artisanal et amateur. On se rend bien compte que l’activité d’artisan brasseur « Pro » n’est pas facile, et que pour se démarquer il ne suffit pas de fabriquer du sucre avec des grains. Le réel caractère d’une bière a toujours été imprimé par la levure utilisée, et force est de constater que pour arriver à élaborer une souche propre, il faut disposer de gros moyens.
C’est bien là que l’industrie marque des points, par le fait qu’elle dispose des infrastructures nécessaires à cet objectif. La microbiologie n’est pas à la portée de tous, mais reste un aspect essentiel de cette activité.
Pour l’amateur tout ceci n’est pas bien grave et sans grandes conséquences. Continuons à expérimenter joyeusement des souches de provenances diverses ( qui à parlé de kidnapping de levures issues de bières de commerce ?).
Pour ce qui est des artisans brasseurs « Pro », il n’est pas inutile de se poser des questions sur ce sujet…